(Lu dans Al-watwan aux Comores le 10 octobre 2016)
Il est des
situations économiques que l’on ne peut continuellement ignorer comme celle de
l’opacité du marché du travail.
Y entrer et en sortir victorieux ressort du miracle, singulièrement si l’on est
un jeûne âgé entre 18 et 25 ans voire 30 ans. L’économie comorienne comme celle de plusieurs pays est basée
fondamentalement sur l’agriculture. Depuis la fin de la deuxième guerre
mondiale, de la crise du pétrole des années 70, de l’avènement des nouvelles
technologies et de la mondialisation l’économie mondiale s’est structurellement
modifiée et s’est tournée peu à peu, des secteurs primaire et secondaire vers
le tertiaire. Plusieurs pays occidentaux ont vite adapté leurs politiques économiques.
Il est temps que les autorités comoriennes, notamment les élus adoptent très
rapidement les réformes structurelles nécessaires du marché du travail et
optent pour une politique économique compétitive.
Quelques pistes de
réflexions sont à explorer. Certaines relèvent du cadre législatif et demandent
plutôt de la volonté politique pour dépoussiérer le code du travail. Les autres
dépendent de l’organisation même des institutions du chômage et de leurs
engagements dans leurs missions.
Le plus grand
défi auquel les nouvelles autorités sont confrontées (à mon sens) est de lutter
contre la pauvreté et la précarité. D’un premier abord, le gouvernement a
intérêt à envisager très rapidement des réformes nécessaires pour vaincre ce
chômage structurel.
En effet, le
marché du travail comorien a besoin d’être reformé, pour permettre le pays de
faire face aux nombreux défis et autres mutations économiques mondiales. Pour y
parvenir le gouvernement devrait rapidement plancher sur un projet de loi
travail qui définit des règles pour tous en matière d’organisation, en matière
de temps de travail, en matière de salaire minimum ainsi que les différentes
sortes de contrats de travail qui lient l’Etat, les entreprises, les syndicats
et les actifs.
Il convient
d’engager des négociations avec les différents acteurs de l’économie pour
réglementer le temps de travail hebdomadaire, le fixer à 37heures. Pourquoi ne
pas copier sur la France qui en adoptant la réduction du temps de travail à 35
heures par semaine, a permis de créer quelques 350 000 emplois. Une autre
mesure qui pourrait aider à développer
l’économie et relancer la croissance à inclure dans ledit projet de loi est
d’envisager de fixer un salaire minimum légal. Ce salaire minimum devrait être
révisable chaque année selon l’inflation.
Certes les patrons ont une aversion avérée pour une telle mesure, mais cela est
prouvée, la mise en place d’un salaire minimum permet de booster l’économie et
relancer la croissance.
Dans un autre
registre et toujours dans le cadre législatif il convient de mettre en place et
développer le concept de “buy comorian act“ en s’inspirant du “buy american
act“ en vue de favoriser les artisans comoriens. On ne peut être pour
l’ouverture du marché et contre le protectionnisme et voir importer dans le
pays en quantité inestimable des meubles et autres produits et articles au
détriment de l’artisan et du créateur comorien, et rester indifférent. Il est
urgent d’agir sur ce volet là aussi pour non seulement œuvrer en faveur de la
production locale - ce qui relancerait à terme la formation professionnelle et
encouragerait notre jeunesse à s’y intéresser - mais aussi et surtout cela
contribuerait à réduire le déficit de notre balance commerciale, un des
nombreux facteurs de notre sous-développement.
En deuxième lieu,
il faut se retourner du côté des institutions qui s’occupent des questions de
société, de la démographie et de l’emploi, notamment l’Institut National de la
Statistique et des Etudes Economiques et Démographiques (INSEED) et la maison
de l’emploi.
D’abord, une
étude sur la démographie et son évolution parait indispensable. En somme,
combien sommes-nous et combien parmi les comoriens actifs sont à la recherche
d’un emploi. Récemment, l’INSEED a lancé une opération de recensement. C’est bien
une initiative encourageante. Mais il faut aller plus loin. L’Inseed devrait approfondir
ses enquêtes en dénombrant aussi la part des chômeurs dans la population. Quelles
sont les catégories de la population qui sont les plus fortement touchées parmi
les demandeurs d’emploi.
Dans son volet « études
économiques », l’Inseed devrait beaucoup se préoccuper du comportement de
notre économie notamment « des constantes » qui sont le taux de
croissance (du PIB), le taux d’inflation, le taux d’exportation et le taux de
chômage. Pour aider efficacement les politiques à la décision, l’Inseed devrait
rapidement déterminer le taux de croissance à partir duquel l’économie comorienne
crée de l’emploi par rapport au nombre d’actifs qui rentrent chaque année sur
le marché du travail.
Du côté de la maison de l’emploi.
Cette institution inaugurée sous le Président Ikililou, devenue coquille vide,
devrait se redéployer et déployer les moyens pour fournir régulièrement - je
dirais mensuellement – les chiffres du chômage et leurs évolutions catégories
par catégories, selon les définitions du bureau International du Travail (BIT).
La maison de l’emploi aurait aussi pour missions principales :
1) de
trouver un travail aux demandeurs d’emploi ;
2) de
proposer des formations adaptées afin de permettre un meilleur “matching“ entre
offres et demandes ;
3) d’accompagner
les initiatives créatrices d’entreprises en facilitant aux porteurs de projets
l’accès aux prêts bancaires ;
Mais il serait surtout heureux
qu’une politique en direction des comoriens de l’extérieur notamment ceux de la
diaspora comorienne de France soit vite initiée afin de stopper “la fuite des cerveaux“ et faire venir
les nombreuses compétences comoriennes éparpillées dans le monde. Ces derniers,
venus en nombre, pourraient insuffler un vent nouveau dans notre économie. Ils
contribueraient aussi au changement de mentalités dont nous avons tant besoin
en nous apportant cette fameuse culture de résultats. Leur faciliter l’accès
aux crédits verrait la création de nombreuses entreprises ce qui réduirait le
taux de chômage.
Enfin, investir pour l’emploi
c’est investir pour le développement économique et donc pour la croissance.
Réorienter la dépense publique en mettant en place des mesures incitatives, des
aides à l’embauche et soutenir les employeurs à recruter paraît incontournable
en l’état actuel des choses.
En conclusion, développer une
politique économique en faveur de l’emploi en engageant à la fois toutes ces
initiatives permettrait de tendre à terme vers l’objectif fixé par le président
de la république : “ Un jeune, un emploi“.
Saïd
Hamidou ALLAOUI